2 Décembre 2021
Vecteur Environnement • Décembre 2021 • La revue des spécialistes de l’environnement au Québec
PAR DOMINIQUE DODIER
Directrice générale, EnviroCompétences
La pandémie actuelle combinée à la pénurie de main- d’œuvre nous a bousculés, et nous force à revoir nos façons de faire ainsi que notre vision, et à aborder d’un nouvel œil la réalité qui nous entoure. N’est-ce pas le moment idéal pour se mobiliser et imaginer la transition verte de la main-d’œuvre québécoise ?
L’année 2022 sera une période charnière en matière de verdissement économique et de développement durable. Plusieurs organisations, parfois même des États, considèrent la transition verte et les changements climatiques comme un nouvel enjeu qui offrira des occasions d’affaires profitables, équitables et durables. Le Québec n’y échappe pas ; c’est pourquoi il s’est donné des objectifs ambitieux et des stratégies pour suivre ces orientations. Avec le Plan pour une économie verte 2030, le gouvernement réitère l’engagement du Québec en ce sens.
Alors, quelles seront les compétences de demain afin de répondre aux tendances, aux stratégies, aux lois et aux règlements? De quels types de métiers ou de professions aurons-nous besoin pour y répondre? Comment les entreprises pourront-elles y faire face sur le plan de la main-d’œuvre ?
Le Rapport exploratoire sur la transition verte, les changements climatiques et leurs impacts sur l’emploi et la formation de la main-d’œuvre, publié par EnviroCompétences en octobre 2021, met la table et ouvre la voie à des pistes de réflexion sur ce sujet d’actualité (EnviroCompétences, 2021).
Les municipalités et les gouvernements se dotent au fur et à mesure des années de nouvelles politiques, lois et règlements pour rehausser les standards environnementaux qui affectent la main-d’œuvre. On constate, par exemple, que le secteur dit
« conventionnel » de l’environnement (en opposition avec l’aspect transversal de la transition verte) connaît actuellement une croissance de 8,5 % du nombre de ses emplois, comparativement
à 1,8 % pour l’ensemble des secteurs au Québec (de 2011 à 2016). Le nombre de ses établissements croît quant à lui de 10 % entre 2017 et 2020. C’est une croissance très rapide, beaucoup plus rapide que le reste de l’économie. Selon une étude menée par EnviroCompétences, 80 % des entreprises en environnement voudraient embaucher de la main-d’œuvre à court et à moyen terme, principalement pour soutenir la croissance de leurs activités. Le potentiel de croissance en environnement est donc majeur. Ainsi, le Québec a un fort potentiel de développement, mais fait face à certains défis.
C’est maintenant un phénomène récurrent. Selon le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, 1,4 million de postes seront à pourvoir d’ici 2028 au Québec. Certains secteurs sont plus touchés que d’autres par la pénurie de main-d’œuvre. Par exemple, 1 959 opérateurs et opératrices en eau devront être remplacés d’ici 2024. On observe cependant que cette pénurie est semblable dans toutes les filières environnementales et dans l’ensemble de l’économie.
Parmi les enjeux auxquels nous faisons face actuellement, l’adéquation formation-emplois semble nécessiter un renforcement. Toujours selon le rapport, parmi la panoplie des formations professionnelles offertes au Québec, l’offre concernant le secteur de l’environnement semble encore insuffisante. Certains programmes de formation peinent parfois même à combler leurs cohortes, alors que les besoins de main-d’œuvre dans ces domaines sont importants. Le rapport souligne la nécessité de développer chez les travailleurs et travailleuses hors du secteur de l’environnement des compétences et des connaissances vertes.
Le rapport exploratoire suggère quelques pistes d’action qui pourraient être envisagées. La première suggère de se doter d’une définition consensuelle des emplois verts et verdissants, et de convenir d’un référentiel de compétences qui permettrait aux secteurs, aux entreprises et aux individus de cibler leurs besoins en compétences et en connaissances vertes – EnviroCompétences s’est porté volontaire pour le réaliser. De plus, si l’on s’inspire des solutions trouvées par les pays étrangers, notamment en Europe, le rapport suggère de mettre en place un système de concertation et de coordination entre les différents acteurs concernés par l’émergence de l’économie verte (observatoire, etc.).
Des efforts dans la formation initiale pourraient être menés, notamment considérer l’intégration des nouvelles compétences de la transition verte dans tout le cursus scolaire, et favoriser davantage le développement des compétences génériques (softskills) dans les programmes de formation actuels.
Pour la formation continue, le rapport recommande d’offrir aux entreprises des outils simples et accessibles qui leur permettront de favoriser la transition verte de leur main-d’œuvre, comme des ateliers, des formations en ligne, des guides et des outils d’autodiagnostic des compétences.
Enfin, l’évaluation des bonifications fiscales – qui pourraient être accordées aux entreprises qui offrent des mises à niveau professionnelles à leur personnel pour adapter leurs compétences et leurs connaissances à la transition verte – serait une piste potentielle de solution.
Les enjeux de la transition verte sont nombreux, mais les solutions sont à notre portée et c’est ensemble que nous devons les concrétiser. À la suite de son événement VERT DEMAIN – La grande rencontre sur la transition verte, les changements climatiques et leurs impacts sur l’emploi et la formation de la main-d’œuvre, qui a eu lieu en octobre dernier, EnviroCompétences veut former un comité de travail spécial pour poursuivre les discussions, ainsi que pour étudier la faisabilité des pistes d’action, les moyens à mettre en œuvre et la façon dont on passe à l’action. ●
EnviroCompétences (2021). Rapport exploratoire sur la transition verte, les changements climatiques et leurs impacts sur l’emploi et la formation de la main-d’œuvre. En ligne : envirocompetences.org/media/publications/ RapportExploratoire_MO-TransitionVerte_SB.pdf.